...et la version noir et blanc

" Elle regarda, fatale, avec ses yeux d'Aldébaran, rayon visuel mixte, ayant on ne sait quoi de louche et de sidéral. Gwynplaine contemplait cette prunelle bleue et cette prunelle noire, éperdu sous la double fixité de ce regard de ciel et de ce regard d'enfer. Cette femme et cet homme se renvoyaient l'éblouissement sinistre. Ils se fascinaient l'un l'autre, lui par la difformité, elle par la beauté, tous deux par l'horreur [ ...] Quelque chose d'inexorable s'ébauchait. Il était dans l'antre de la femme fauve, homme fauve lui-même. "

Le ptit' livre du jour n°04 : L'homme qui rit de Victor Hugo

Lyrique, visionnaire, romantique au possible, « l’homme qui rit » tient une place à part dans  l’oeuvre de Victor Hugo. Conte monstrueux et grotesque, il se détache de ses autres romans par une atmosphère profondément baroque et onirique.
L’histoire se passe dans l’Angleterre du 18ème siècle. On y suit la vie de Gwynplaine, jeune saltimbanque dont le visage a été défiguré pour en faire un monstre de foire, ce qui lui vaut le surnom d’homme qui rit. Il mène une vie misérable jusqu’au jour où il apprend qu’il possède des origines nobles et se retrouve alors propulsé au rang de Lord. Gwynplaine voit dans ce tour du destin  l’occasion d’inciter l’aristocratie anglaise à agir en faveur du peuple. Mais ses revendications seront accueillies avec mépris et moqueries, brisant tous ses rêves de justice et concluant de façon tragique son ascension sociale.
Hugo, profondément républicain, fait du livre entier un brulant réquisitoire contre la monarchie. Au sommet de son art, il dénonce avec une éloquence inégalée le mépris des classes dominantes pour les plus pauvres. Il pointe du doigt la misère et clame une fois de plus le droit à la dignité et à l’éducation pour chaque homme. Si le roman se finit de façon très sombre, Gwynplaine, dans un discours visionnaire, prédit la rebellion certaine du peuple contre le pouvoir qui l’opprime.
La révolution française lui donnera raison et Hugo achèvera sa fresque républicaine 5 ans plus tard, avec la publication de « Quatrevingt-treize ».